Genèse de la TZ : Chapitre 3 : La TZ 750

Par Jean HUPPERT

Yamaha a gagné en 72 (Don Emde) et en 73 (Jarno Saarinen) les 200 miles de daytona avec une 350 (TR3/TZ), mais les 750 battues chaque fois (Honda, Suzuki, Kawasaki) vont bien finir par être fiables un jour et les 350 ne feront plus le poids sur l’anneau.
Et Daytona est LA course à gagner pour vendre des motos toute l’année (win on sunday, sell on monday) !
Yamaha connaît la règle de l’AMA (American Motorcycle Association) : pour prendre part à la compétition, il faut une moto dérivée de la série.
En 67 et 68, Yamaha avait du fabriquer une moto improbable avec un moteur dérivé de la DS5 de route dans la partie cycle de la RD56 (twin d’usine à distributeurs rotatif), appelé projet YZ607

Le fait que le moteur soit dérivé de la série fait qu’elle est acceptée, et qu’elle gagne Daytona 100 (lightweight, les 250)

Et pour la course des 200 miles, on essaye aussi de ”jouer avec le règlement” en montant un moteur de YR1 350 de route (avec 1 rapport en moins) dans l’excellente partie cycle de la RD56, projet YZ608

On ne sait pas encore en 1967 qu’il s’agit en fait des prototypes de la TD2/TR2 et pour un premier contact avec les 200 miles elles finissent 18 et 19ième.
En 68 elles sont encore inscrites aux 200 miles, avec Phil Read, Mike Duff, Art Baumann et Yvon Duhamel comme pilotes. C’est une Harley de 750cc qui gagne (Carl Rayborn) mais à la surprise de tous, les 2 Yamaha 350 de Duhamel et Baumann font 2 et 3 ! On n’avait jamais vu des 2 temps aller aussi vite à Daytona.

Et Yamaha peut largement communiquer sur la performance incroyable ”d’une moto dérivée de la série” … vous pouvez acheter la même

Yamaha retient la leçon, et se pose la question en 72 ”comment gagner en 750 avec une moto dérivée de la série ?” … soit on fait comme Honda (CB750Four daytona), Kawasaki (H2R), Suzuki (TR750) et on fait dériver une moto de course d’une moto de route, avec tous les problèmes qui vont survenir quand les puissances vont dépasser 100CH, soit on est plus malin, comme en 67/68, et on lit bien le règlement. L’AMA dit que les motos acceptées doivent avoir été fabriquées à 200 exemplaires minimum … et bien, il n’y a plus qu’à fabriquer 200 exemplaires d’une moto de course ! (Porsche a fait exactement pareil quand la fédération automobile a décidé que Sport Proto c’était 3 litres de cylindrée, que Sport c’était 5 litres et dérivé de la série : ainsi naquit la 917, vrai sport proto mais construit à 25 exemplaires …) Lors du festival yamaha de début Août 73 on voit 4 prototypes de la TZ750,encore des YZ648 quasi identiques à l’YZ648A(qui sera l’OW20 de Saarinen) entre autre,entre les mains d’Hideo Kanaya.

C’est comme ça que naît la TZ750 présentée au Salon de Tokyo de fin 73

C’est l’aboutissement du projet YZ648 déjà développé au début du sujet TZ500.
A noter qu’elle s’appelle d’emblée TZ750A (code 409), bien que la Presse l’appelle alors TZ700, puisque sa cylindrée est de 694cc.

En ce début 74, avec une telle puissance, il y a 2 problèmes mal résolus : la tenue des pneus et de la chaîne. Pendant plusieurs années ce sera le facteur limitant des 750 à Daytona, et il y aura même une année (1977) où la course se fera en 2 fois 100 miles pour permettre de changer de pneus tant les déjantages avaient été nombreux aux essais ! Quand à la chaîne, on affuble les premières versions des TZ750 d’un tendeur de chaîne pour limiter les ”coups de fouet” mais le remède paraissant pire que le mal il sera vite démonté (d’où le gros trou rond au milieu du bras gauche du bras oscillant des TZA).

La fiche technique impressionne

Et bien sûr, tout le monde attend Agostini à Daytona

La moto est bien née, et première sortie (hors Océanie !), première victoire et à Daytona ! … (remarquez le sélecteur à droite pour Ago qui vient de passer des années sur une MV !)

Ce sont 2 moteur de TZ350 côte à côte, transmission au milieu entre les 2 vilebrequins.

Elle s’avère fiable moyennant un entretien suivi et assez coûteux et le seul problème de la TZA est au niveau des 4 pots plats sous le moteur qui se fissurent puis se rompent et qui en plus nuisent au rendement. Des astuces essayent de les faire durer, mais en vain (cloisons en X soudées dedans, boulons tranfixiants, entretoises entre chaque …)
C’est pour ça que dès l’automne 74, à Ontario, on commence à voir :

Ce qui remédie au point faible et fait gagner bien des chevaux. L’usine mettra 3 ans à le proposer aux clients.
Et puisqu’on écrit un sujet d’histoire, il convient de corriger la légende qu’Agostini fait gagner sa première victoire à la TZ750 à Daytona, c’est faux, quelques semaines avant, John Boote (18 ans) gagne le 5 janvier 74 à Gracefield, près de Wellington, New Zealand, avec une TZ juste sortie de caisse, la première :

Une photo historique de la première TZ750 sortante de caisse en Nouvelle Zélande !

Même la revue interne de Yamaha en fait état :

La TZ750A ”met un vent” à tous ses concurrents qui râlent fortement auprès de l’AMA et de la FIM.
L’AMA réagit en diminuant le nombre de motos requis de 200 à 25 dès l’automne 74 (Kawasaki va s’engouffrer dans la brèche en construisant 25 KR750 pour Daytona 75).
La FIM réagit en … interdisant à la TZ750 de participer au Trophée FIM750 qui vient d’être créé en 73.
Or la TZ750 est une telle vedette que les organisateurs d’Imola 200 et du MJ200 disent à la FIM : tant pis, notre course ne comptera pas pour le championnat FIM, ce qu’on veut, et ce qui fait venir les spectateurs, ce sont les TZ750 ! La FIM ne tardera guère à revenir sur sa décision.
La TZ750B de 75 est très peu modifiée, les 46 premières restent en 696cc, les 65 suivantes bénéficient de cylindres 747cc avec 110CH. , l’alésage étant augmenté de 2,4mm. Un kit de conversion 694 vers 747cc est commercialisé pour les anciens propriétaires.
Moto-Légende a publié un récapitulatif des modifications des différents modèles de TZ750 :

(TZ750E : clapets à 6 lamelles, ça semble faux, par contre certains équipaient leur TZ de clapets à 6 lamelles d’IT175).
TZ750C : très peu de changements.
Donc il faut attendre 77 pour qu’arrive l’évolution majeure de la TZ750D, qui ne s’est jamais appelée 0W31 (nom du modèle d’usine de la saison 76, plus léger, plus puissant, magnésium etc …) mais c’est vrai que sur le plan marketing ça arrangeait et Yamaha et l’acheteur que ce soit une ”0W31”, et le 0 est bien un zéro, prononcé O à la mode anglosaxonne ! Point de détail sémantique, mais l’Histoire ne souffre pas l’approximation !
TZ750D de 77 (1X2) une presque nouvelle moto ! C’est en gros une TZC avec un monoshock et des silencieux, et un pot du cylindre 1 qui passe derrière le carburateur de gauche, sous la selle et sort à droite en haut. La pompe à huile de boite a un plus gros débit et le radiateur d’eau est plus grand. La moto pèse 6kg de moins que la C, et est 25mm plus courte. Les disques de frein gagnent en diamètre, les étriers passent derrière la fourche, les maitre-cylindres et les moyeux sont en magnésium, le réservoir gagne quelques litres et la selle copie celle de l’0W31 de 76, la jante arrière est plus large (3 à 3,5/18”).
Par contre, comme sur les petites soeurs 250/350 les étriers de frein en aluminium font l’unanimité contre eux, ils chauffent et s’ouvrent à l’usage …
152kg 120CH
La TZ750D est un grand succès, et restera quasi inchangée avec les modèles E et F commercialisés jusqu’en 1983 pour les derniers exemplaires.

Donc les résultats sportifs, par exemple le trophée FIM750 :

1975 Jack Findlay
1976 Victor Palomo
1977 Steve Baker
1978 Johnny Cecotto
1979 Patrick Pons
Tous sur TZ750, ou sa version usine YZR750 …
Et au nombre de victoires par marque :
Yamaha 44 victoires, Suzuki 11, Kawasaki 3 … vous avez dit : ”la pâtée !”
et Daytona 200 : et bien de 74 à 84, oui, 11 ans, seules des Yamaha triomphent !
(Giacomo Agostini, Gene Romero, Johnny Ceccoto, Steve Baker, Kenny Roberts 3 fois, Dale Singleton 2 fois, Patrick Pons, Graeme Crosby).
Cette supériorité finit même par étouffer cette compétition devenue dès lors un trophée TZ750, ce qui conduira à la suppression de la catégorie par la FIM !
A noter, que ni les KR750 ni les TR750 n’ont pu grignoter mieux que quelques victoires ponctuelles contre l’ogre TZ750.
C’est ce qui en fait une moto mythique entre toutes, il est très rare en sport mécanique qu’un modèle soit dominateur à ce point pendant 10 ans.
Yamaha avait fait un pari en construisant 200 motos de course … il s’en est fabriqué finalement 609 !
Et l’attractivité jamais démentie de cette moto qui a maintenant 45 ans fait qu’on en voit encore pas mal dans les événements classiques, beaucoup de pièces étant reconstruites pour satisfaire ce petit marché de passionnés ! Merci eux !
Et Merci Yamaha pour toutes ces années de rêve !

Crédits :
https://racebikes.wixsite.com/projectyda/later-race-development
l’extaordinaire forum : http://www.pit-lane.biz
la bible de Greg Bennett : Yamaha Two Stroke Production Roadracing Motorcycles

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